Loooooooooooooooooong retour sur l'ultra raid des causses et vallées Lot Dordogne, après ma première participation samedi. J'y suis allé avec mon frère un peu newbie du VTT (un pur routeux, à la base), vous verrez par la suite que cette précision n'est pas sans conséquence sur le déroulé de la journée...
Avec mon frère, on s'était fixés 2 objectifs la veille :
- finir, si possible avant le premier du trail
- être capables de monter 4 à 4 les marches de l'escalier de l'hôtel en rentrant
Vous le verrez en fin de récit, lui a rempli 50% de l'objectif.
L'événement était initialement programmé en avril, mais a été reporté pour les raisons que vous connaissez. Je connais un peu le coin, mais pour moi c'était une première de partir sur une telle distance. J'avais réussi à me constituer une grosse base de foncier en mai et juin, mais après un week-end dans les Vosges mi-juillet j'ai perdu mes jambes, je n'arrivais plus à rouler... donc été en demi-teinte pour moi, j'ai privilégié la course à pieds (curieusement, j'avais de meilleures sensations dans mes baskets que sur le vélo). Autant dire que j'ai débarqué à Cahors moyennement confiant sur ma capacité à finir, d'autant que la météo pluvieuse me laissait craindre des conditions boueuses énergivores. Pour ne rien simplifier, j'avais une réunion importante au boulot sur Paris le vendredi après-midi, ce qui laissait présager d'une arrivée très tardive à Cahors... pas top.
Bref, jeudi j'apprends que ma réunion est annulée, donc on s'organise finalement avec mon frère pour covoiturer. Et nous voilà partis vers Cahors. Sur la route, à compter de Châteauroux et jusqu'à l'arrivée, on a les essuie-glace en vitesse max, il tombe des trombes d'eau... mais la météo prévoit une journée du lendemain théoriquement sèche, au moins jusqu'en fin d'après-midi.
On arrive sur place vers 19h30, on se rend directement sur le site de départ récupérer nos plaques. Les mesures sanitaires sont en place, on est accueillis avec le sourire. Briefing individuel sur les consignes de course, remise de la balise GPS, et info sur le départ retardé de 30 mn pour attendre que le jour soit levé. Ca s'annonce bien, on retourne à l'hôtel préparer les sacs et avaler notre repas froid du soir. A l'hôtel, on s'aperçoit assez logiquement que la plupart des présents sont soit vététistes, soit trailers.
Lendemain matin, grasse matinée, lever vers 6h pour un petit déjeuner bien copieux à l'hôtel. A une heure si matinale pour un week-end, curieusement la salle de petit-déjeuner est pleine de mecs et nanas en tenue sportive. On remarque notamment un gars accompagné de sa femme et de ses 2 enfants, que l'on reverra tout au long de la journée, la maman suivant le papa en voiture avec ses enfants, jusqu'à l'arrivée : chapeau !
On se rend en voiture sur le lieu de départ, on monte les vélos, mon frère a les 2 pneus à plat mais il me dit que ça va aller, on regonfle et c'est parti. Un quart d'heure plus tard, on a déposé nos sacs qui seront emmenés à mi-parcours pour nous permettre de nous changer, on est sur la ligne de départ, et... le pneu avant du vélo de mon frangin est à plat. Ca démarre fort ! On regonfle à l'arrache, évidemment il n'a pas pris de bombe anti-crevaison, il est en Notubes devant mais n'a pas rechargé le pneu depuis 2 ans, et à l'arrière il a une chambre à air "qui perd un peu mais ça tient la journée". L'histoire nous dira que, en réalité, pas tout à fait.
Bref, on décolle en queue de peloton à 7h35 après le briefing sécurité, il fait 6°C, le sol est humide et le ciel menaçant, mais le moral est au beau fixe. Sur 133 inscrits, on est 119 à partir sur l'épreuve VTT. Les trailers partent 30 mn derrière nous. Dans le peloton, super ambiance, ça chambre jovialement, chacun se demande un peu comment la journée va se dérouler.
On quitte l'aire de départ (un stade sur un complexe sportif), et très rapidement on se retrouve dans les bois, le premier single se mérite et provoque d'inévitables bouchons. Je m'efforce de ne pas m'énerver, on s'en fout du classement, l'enjeu c'est de terminer, donc tant pis pour ma patience. Assez rapidement, le peloton s'étire, on n'aura plus de bouchon de la journée. Ca roule très cool à l'arrière, tout le monde autour de nous "gère" et se fait des politesses dans les bosses. D'emblée je suis surpris, car d'emblée on emprunte des singles super sympa, le terrain est humide mais pas collant, c'est ludique, ça démarre comme un Roc Trespouzien. Je m'attendais à un maximum de piste / de bitume, donc première impression super positive.
D'emblée aussi, je sens que mon frangin est juste physiquement. Il me dit qu'il gère, en bosse je peux comprendre, mais sur le plat il n'arrive pas à accélérer et en descente il est debout sur les freins... ça m'agace un peu, j'aimerais bien mettre du rythme, mais on s'est jurés de rester ensemble, donc je tempère mes ardeurs en me disant que c'est pas plus mal de s'économiser au début.
On arrive au premier ravito liquide, enfin "je", j'attends mon frère qui finit par apparaître à pied, pneu avant à plat... il n'y connaît rien en mécanique, m'explique qu'il n'a pas rechargé en Notubes, il n'a pas de bombe anti crevaison, donc pas le choix faut mettre une chambre. Le vélo est couvert de boue, il ne sait pas trop comment s'y prendre, je prends les choses en main (c'est le cas de le dire), j'ai les gants trempés et couverts de boue, je galère pour démonter son pneu sur ces fichues jantes alu Asterion asymétriques... j'enlève une dizaines d'épines dans le pneu, je monte la chambre, regonfle pendant que mon frère reprend des forces (on a à peine 20 bornes au compteur). On repart bons derniers, en redémarrant par un gros pétard en single, je mets du braquet pour au moins rattraper la queue de peloton, mais mon frère est incapable d'accélérer. Je me résigne à l'attendre, tant pis.
La suite alterne entre pistes dures et singles, dont certains semblent avoir été ouverts la veille. On sent que les organisateurs ont retenu les remarques des participants de la première édition 2019 : ils ont soigné le parcours pour éviter le bitume et rajouter de la difficulté. Au final, sur 184 km, on en fera à peine 4 sur du bitume ! Chapeau, vraiment. La course se poursuit, je me fais plaisir dans les descentes, j'attends et temporise dans les bosses, et tente d'emmener mon frère sur le plat. On boucle les 45 premiers kilomètres à 13,5 de moyenne, pour 1260 mètres de D+. On passe par St Cirq Lapopie, avec plusieurs descentes ludiques dont une vraiment extraordinaire, technique à souhait, puis on emprunte le chemin de halage de Bouziès, creusé à même la falaise.
On croise plusieurs groupes de randonneurs pédestres arpentant le chemin de St Jacques, ils nous encouragent avec le sourire, ça fait plaisir. Arrive le premier ravito "solide", l'organisation a fait le choix de ravitaillement suivant :
- tous les 20 à 25 km, un ravitaillement liquide avec eau plate ou gazeuse, coca, boisson énergétique
- tous les 45 km, un ravitaillement liquide et solide, avec collation chaude (soupe locale, pâtes bolognaise, riz...)
On traverse le Lot via un pont ferroviaire désaffecté, rendu bien glissant par la pluie. Je ne le savais pas encore, mais on repassera par ce même pont dans la nuit sur le chemin du retour.
Après ce pont, nouvelle belle bosse sur un étroit chemin pierreux, moment que mon AXS choisit pour me faire la petite blagounette du "y'a plus rien qui se passe". La diode du dérailleur s'allume au rouge, la chape ne bouge plus et le moteur est inaudible. Coup de stress, je descends du vélo, j'ôte la batterie puis la remet pour réinitialiser, le dérailleur fonctionne de nouveau normalement. Pfiou... je me voyais mal finir en mode singlespeed. J'avais une batterie de rechange chargée à dispo dans le Camel au cas où, mais tout de même...
Au ravito suivant, j'essaie d'activer mon frangin pour ne pas trop traîner, on s'arrête à peine 15 minutes. On repart dans un groupe de vététistes, dont un gars en joli TR multi Edelbikes. On essuie une, puis deux, puis trois averses, qui nous laissent opportunément le temps de sécher entre temps. Pas d'atteinte sur le moral à ce stade, de toute façon on s'y attendait. En discutant avec les participants, il y a de tout : du vététiste chevronné au routeux venu là "pour essayer" (véridique), en passant par le bikepacker affichant quelques FD au compteur. Le ravito à peine digéré, on attaque un gros morceau en montée caillouteuse sur un sentier étroit. Tout le monde est à pied pour gérer, je monte un tiers à vélo puis me résigne à marcher pour ne pas embêter les autres à dépasser. Après quelques apparitions furtives du soleil, le ciel se couvre et le vent se lève : a priori, la pluie annoncée pour la fin de journée a décidé d'anticiper.
Les kilomètres défilent, la moyenne descend à 13,1, mon frangin serre les dents mais tient bon. Les sentiers alternent avec des pistes qui permettent de récupérer, plusieurs sections ouvertes par les organisateurs témoignent des efforts pour rendre le tracé vraiment "VTT". Nouvelle crevaison, de l'arrière cette fois, j'ai passé ma seule chambre à mon frère, lui en a une mais préfère la garder pour après. On s'arrête donc régulièrement pour regonfler... arrive le second ravito solide, au kilomètre 87. Il est 15 heures, on est clairement en retard sur le timing que j'avais imaginé, mais tant pis. On se pose à table, le repas est délicieux, les bénévoles sont adorables. On récupère nos sacs déposés au départ, je change juste le haut, je glisse les éclairages dans mon Camel, je recharge les bidons et la montre Garmin, et on repart. On avait envisagé de prendre une douche, mais elles sont condamnées à cause du Covid-19, et de toute façon je n'en éprouvais pas le besoin personnellement.
Voici un exemple des chemins qui ont constitué l'essentiel des portions en single :
On repart donc du ravito de mi-parcours (qui n'était pas exactement à mi-parcours), désormais il tombe des cordes. On apprend que le premier du trail est juste 1h derrière nous, je dis à mon frère que ce serait quand même bien d'arriver avant lui, pour l'honneur ! La pluie tombe dru, le sentier étroit le long d'une rivière après Gramat est étonnamment praticable. On est suivis par un gars de l'orga en VTTAE qui nous filme à la GoPro, on lui fait le coup du strip-tease car malgré la pluie au ravito on s'est trop couverts, donc on repasse en manches courtes (stratégie payante, on le verra plus tard). Puis le gars en VTTAE nous abandonne, on débarque dans une gorge encaissée entre 2 falaises, on descend par le GR super ludique, je m'éclate malgré les dalles ultra glissantes. La fourche de 120 fait des merveilles, la tige télescopique m'aide à rester confiant même si je perds constamment l'adhérence devant / derrière... mon frère lutte à l'arrière, descend souvent du vélo, mais ne râle pas. Une fois au fond des gorges, on remonte par une voie romaine en verglas, même à pieds c'est compliqué de tenir debout. Dommage, sur le sec ça doit être un chouette défi technique de monter sur le vélo. On croise une famille avec 2 jeunes enfants, trempés, qui se baladent, assez surréaliste à cet endroit paumé !
Une fois en haut de la voie romaine, on attaque un sentier étroit en bordure de falaise, glaiseux, ultra glissant. A ma gauche, une forêt épaisse, à ma droite, 70 mètres de gaz. J'ai le vertige, j'évite de regarder à droite et me concentre sur ma trajectoire. Tout passe sur le vélo, mais faut lutter pour ne pas glisser. Au détour d'un virage, je me retrouve nez à nez avec une énorme vache limousine en plein milieu du sentier : la clôture du champ s'est affaissée, la vache s'est sauvée. J'hésite, j'ai peur qu'en passant côté précipice la vache me fonce dessus et me fasse tomber, mais j'ai peur aussi de passer entre la vache et la clôture, car de l'autre côté se trouve un beau taureau en apparence placide, mais les apparences sont parfois trompeuses. Je veux prévenir mon frère, j'hésite à gueuler, je me ravise, descends du vélo, passe tout en douceur côté précipice, la vache fait une embardée, mon frère déboule à ce moment-là, la vache est surprise de le voir et stoppe net, il passe dans la foulée derrière moi et on se sauve. Fin de l'épisode, personnellement j'ai bien flippé sur le coup.
Juste avant la rencontre avec la meuh, une descente sur voie romaine hyper glissante :
Après avoir descendu un superbe single à flanc de falaise, on se retrouve dans le lit d'un torrent asséché. Au menu, blocs trialisants, pétards montée / descente incessants... faut mettre du cœur à l'ouvrage, mais tout passe. On finit par apercevoir au loin Rocamadour, on bifurque au pied de la cité pour grimper par le GR, une bosse interminable dont les 2 tiers passeront à pied, faute d'adhérence. Je profite de la bosse pour discuter avec un gars (Yohan, si tu me lis) qui se trouve habiter à 50 bornes de chez moi, et qui roule chaque année sur la rando locale. On sympathise, c'est aussi le côté agréable de ces randos au long cours : les rencontres. De son côté, mon frère s'arrête, mains gelées par les gants trempés. Il avait embarqué une paire de rechange, décide de l'enfiler sinon il ne sent plus ses doigts sur les leviers de frein. Pour ma part, gants trempés et mains gelées également, mais pas de paire de secours. Je pars du principe que des gants mouillés tiennent davantage froid que mains nues, donc j'ôte mes gants et le fait est, mes mains vont rapidement se réchauffer (façon de parler). On repart, en haut d'une bosse on croise un fermier qui nourrit ses animaux, il nous dit qu'il faut être givré pour faire du vélo par ce temps et nous encourage, il nous propose une soupe chaude chez lui, on décline même si c'est pas l'envie qui manquait... les locaux sont réellement adorables dans cette région, c'est incroyable.
On rejoint le ravito intermédiaire liquide, accueillis par des bénévoles souriants mais littéralement frigorifiés. A cet instant, il tombe des cordes, les rafales de vent atteignent 55 km/h, et il doit faire à peine 10 degrés. Les 2 nanas du ravito n'ont même pas un thermos de café, elles grelottent... à ce moment-là, je me demande ce que des bénévoles viennent faire dans cette galère, et je les remercie chaleureusement d'être là pour nous. Puis en reprend notre chemin, après un désormais traditionnel coup de pompe aux pneus du frangin...
Bon an mal an, on finit par arriver au dernier ravito solide, après une longue phase de transition plutôt plate, vent de face, pluie continue et forte. On est trempés jusqu'aux os, mon frère plafonne à 13 ou 14 km/h même emmené dans ma roue, donc inutile d'insister, je me cale sur son rythme et temporise. Il est 20h, le compteur affiche 135 km. Il en reste 48, et au moins encore 1200 de D+. La nuit est désormais noire, il pleut des cordes. Je mets ma montre Garmin à charger avec la batterie additionnelle, mais comme un con j'oublie d'allumer le powerpack... la montre ne charge pas, s'éteint et je perds toutes les données. Heureusement j'avais aussi lancé l'Edge 1030 dès le départ, en mode guidage. Au moment de ce dernier ravito, sans que je comprenne pourquoi, j'ai perdu le guidage mais pas les données. Tant pis, la fin se fera au balisage uniquement. Le repas chaud fait du bien, avant de manger on se change de nouveau avec des affaires presque pas mouillées embarquées dans le Camel. Avantage, le ravito est dans une salle abritée et chauffée, donc le temps d'avaler le dîner les affaires sèchent sur nous. Mon frère se pose 10 minutes dans un coin pour hésiter à mourir, je discute avec le groupe de Yohan dont 3 des 4 membres décident de bâcher et de rentrer avec la navette (à chaque ravito "solide", une navette routière est dispo pour ramener concurrents et vélos sur le site de départ). Et puis, comme ressuscité, mon frère se relève, installe son éclairage pendant que je regonfle ses pneus. A ce moment, notre moyenne est descendue à 12,5, je me dis qu'en 4 heures on devrait pouvoir finir. J'appelle ma famille pour leur dire que tout va bien, mes filles ont passé une belle journée, ça me fait plaisir de les entendre nous encourager.
On repart, dès la sortie du village ça commence fort, on se paume dans le parc du château... impossible de trouver la balise. On revient sur nos pas, chaque arbre ressemble à un autre, on essaie de se fier aux traces au sol, mais pas évident dans l'herbe haute... je bascule ma lampe en mode pleins phares, je finis par apercevoir un élément réfléchissant au loin, on se remet en selle "azimut 0", on traverse un champ, on tombe sur une clôture quasiment invisible qu'on franchit, on a une chance sur 2 de prendre la trace dans le mauvaise sens, désorientés par la nuit et le noir complet on prend à gauche, pour quelques centaines de mètres plus loin retomber sur l'entrée du parc du château. OK, c'est bon, on a perdu, c'était à droite en sortant du champ, tant pis pour le temps perdu mais au moins on a retrouvé la trace. S'en suit une chouette descente rapide (enfin, c'est l'impression qu'elle donne). Mon frère est tout fier de sa lampe qui éclaire super bien, mais en le questionnant j'apprends que l'autonomie annoncée de 8 heures, il ne l'a jamais vérifiée, qu'il a rechargé la lampe il y a une semaine et s'en est servi depuis... j'imagine le pire, tomber en rade d'éclairage faute de batterie, donc je lui demande de basculer en mode éco, j'en fais de même avec ma lampe, et je compte sur l'éclairage de réserve que j'ai embarqué dans le Camel en sécurité au ravito de mi-parcours.
On enchaîne les descentes ludiques et bosses sur piste, puis une portion de sentier ouverte récemment. Le balisage est impeccable, on a une balise réfléchissante tous les 300 mètres en moyenne, quasiment tout le temps on distingue au loin la balise suivante, c'est sécurisant. On arrive sur un sentier très étroit qui longe un torrent gonflé par les pluies continues, faut porter le vélo et jongler de la pointe des pieds sur les blocs pour ne pas tomber à l'eau... miraculeusement, à ce moment la pluie cesse et nous abandonnera définitivement. Au final, on aura ramassé la flotte sans interruption entre 15h et 21h30 ! Les raidards se font progressivement de plus en plus raides, c'est de plus en plus compliqué de tenir sur le vélo avec l'adhérence très précaire. On finit par rejoindre le dernier ravito liquide, il nous reste alors 30 km et 3 gros pétards. On croise pour la dernière fois la maman et ses 2 gars de 10 et 7 ans plein d'énergie (ceux vus au petit-déjeuner à l'hôtel), ils attendent leur papa qui est 2 km derrière nous. La maman implore ses fils de l'attendre dans la voiture, le grand lui répond "non, papa doit avoir froid sur son vélo, donc moi je l'attends dans le froid aussi !". Chapeau gamin ! Au moment où on quitte le ravito, son père arrive, le fils hurle de joie, c'était super touchant.
Les 30 derniers kilomètres, j'ai adoré. J'ai attendu mon frère toute la journée sans jamais me mettre dans le rouge, je suis frais comme un gardon, les bosses s'enchaînent pour mener à des descentes en single de dingue. A ce moment précis, le ciel s'est dégagé de ses nuages, la lune brille de mille feux, éclairant la forêt, et je prends tellement de plaisir à filer entre les arbres que j'ai envie d'embrasser le traceur ! Mon plaisir est à peine gâché par la boue collante qui freine souvent mes ardeurs, et par mon frère qui subit et que je sais souffrir en silence. Mais il tient bon, et même si notre moyenne chute à 6 km/h sur la dernière heure, il serre les dents et tient absolument à terminer à vélo. On aperçoit les lumières de Cahors, mon frère est persuadé que ça y est, on est arrivés. J'hésite à lui dire que, si mon Garmin vise juste, il nous reste 12 km (ce qui se vérifiera). Il monte tout à pied, descend quasi tout à pied, les dernières bosses se font à pied tellement la boue collent, les roues du vélo se bloquent... et puis la dernière descente sur Cahors est particulièrement relevée et technique, en mode Granit Montana. De mon côté je me régale, la nuit efface tout donc je ne réfléchis pas et j'enroule, le vélo encaisse sans broncher, hormis le bug AXS je n'aurai rencontré absolument aucun souci technique ou physique... juste une bête chute dans une descente raide en épingles, je n'ai pas vu assez tôt un tuyau métallique à moitié enfoui dans la terre, ma roue avant l'a pris pile en parallèle et j'ai décroché (chute sans gravité, je me suis couché sur le côté)
Et puis ça y est, après un beau point de vue sur la ville, une dernière descente en zig zag entre les pins agrémentée de quelques belles marches, on arrive. C'est couillu d'avoir tracé les derniers 20 km de cette façon, on sent bien que l'organisateur a dû se dire l'an dernier, en découvrant les remarques des participants "ah t'as trouvé que c'était pas assez technique ? OK, tu vas voir de quel bois on se chauffe dans le Lot !"... on franchit la ligne, mon frère s'effondre, heureux d'en finir. Je n'ai pas vu la journée passer, aucune douleur nulle part, le speaker nous accueille et nous félicite, l'aire d'arrivée est déserte. On pense qu'il est 23h30, en réalité il est 1h50... on récupère nos sacs, je démonte les vélos et les charge dans la voiture. Arrivés à l'hôtel, mon frère insiste pour monter au deuxième étage par les escaliers, mais chaque marche est une épreuve... il peine à rentrer dans la cabine de douche, et finit par échouer sous sa couette. Il est 3 heures du matin, on s'endort, le premier trailer finira à peine 2 heures après nous : objectif atteint pour nous !
Au final, je retire de cette expérience que :
- je ne m'engagerai plus sur un tel trip avec quelqu'un qui n'est pas bien préparé ni physiquement ni matériellement
- j'aurais aimé le faire plus rapidement, à mon rythme, pour voir combien de temps j'aurais réussi à faire seul ; néanmoins, je suis heureux d'avoir pu le faire avec mon frère, ça lui tenait à cœur qu'on le fasse ensemble
- le vélo a parfaitement fonctionné, finalement j'y suis allé en pneus été et je n'ai pas regretté
- l'éclairage est essentiel pour rouler 6 heures de nuit dans les bois sur des sentiers que tu ne connais pas ; j'ai bien fait de ne pas lésiner sur ce point (j'ai utilisé 2 éclairages : une Lupine SL AF 7 sur cintre et une Blika R7 sur le casque, les 2 avec commande au guidon), j'ai roulé en utilisant uniquement l'éclairage de cintre, en mode éco dans les bosses et en mode pleins phares dans les descentes
- j'ai voulu monter le garde-boue sur ma SID "pour voir" même si je déteste l'esthétique : bien m'en a pris, malgré la boue sur le parcours à l'arrivée les plongeurs étaient immaculés
- j'ai voulu tester des Spirgrips, j'ai bien fait car ça permet de varier la position des mains, donc je les ai définitivement adoptés
- si j'avais été seul, je ne me serais pas arrêté aux ravitos liquides
- j'ai prévu trop d'affaires dans le sac de mi-parcours, mais au moins je n'ai manqué de rien
- niveau alimentaire, l'équilibre était parfait entre mes barres sucrées / les ravitos salés
- niveau vestimentaire, j'ai préféré le combo maillot manches courtes + gilet sans manches tant qu'il ne faisait pas nuit, car ça ne me gênait pas d'avoir les bras mouillés ; en revanche, une fois la nuit tombée et la couverture nuageuse envolée, la température a chuté à 3° et j'étais bien content d'avoir veste manches longues + gilet sans manche + veste Gore PacLite
Je garde un super souvenir de cette expérience entre frères, et on a déjà décidé de remettre ça l'an prochain, selon la date.
J'oubliais l'essentiel :
- 184 km
- 4650 de D+
- 18h13 de temps total
- 14h28 de selle